Votre lettre à l'humanité

  • Ma Lettre à l’Humanité… Ce qui brûle
    Cher Univers,
    En tant qu’enfant on naît dans une famille, dans un milieu que l’on ne choisit pas. La famille, l’école et la rue, l’église, la mosquée et le temple nous inculquent des valeurs, des comportements. On connaît ce et ceux que l’on côtoie, pour le reste, c’est la télé et les magazines qui nous en parlent, les chansons qui passent à la radio, notre père imbibé lorsqu’il rentre au petit matin ou notre mère inquiète de nous voir sortir le soir dans des quartiers « chauds » de la ville. Il y a la vie et ses blessures, parfois graves. Il y a cette quête d’identité, lancinante, cette question du « qu’est-ce que je fous là ? » et l’envie d’appartenir à un groupe. On cherche à se rapprocher de ceux qui sont là, et parfois on se retrouve là où on ne devrait pas être, à faire des choses que l’on ne voudrait pas vraiment faire mais qui semblent donner un sens à notre existence.
    Parce qu’on a les pieds dans la crasse des pavés et la tête dans les étoiles. Parce qu’on a souffert longtemps de l’exclusion ressentie ou inculquée, subie ou provoquée ; parce qu’on connaît des gens, parfois proches, qui ont été traités comme des moins que rien sous couvert de leur origine, de leur religion,... Parce qu’on ne sait plus qui on est, d’où on vient. Et parce qu’on nous dit qu’il y a des responsables de tout ce malheur, et que pour leur faire comprendre la violence qu’ils nous ont infligé il faut leur en infliger une encore plus grande, plus féroce. Parce que maintenant « on ne pardonne plus, on tue ».
    Explosion. La peur engloutit tout. Il n’y a plus de retour en arrière possible. Notre âme s’est envolée, ne reste plus que chaque pas en avant.
    -------------
    Le vivre-ensemble brûle. La « terreur » est épinglée comme une « monstruosité » incompréhensible, peu d’importance est accordée à l’examen des racines de la violence et de l’extrémisme…
    Dans nos villes contemporaines, si la diversité culturelle et sociale est un fait, la mixité sociale et culturelle l’est beaucoup moins. Diversité oui, car par exemple près de 185 nationalités sont représentées en Belgique, et des revenus très variés cohabitent dans notre pays.
    Par mixité, cependant, j’entends un rapport harmonieux tant entre les différentes couches socio-économiques de la population qu’entre les groupes d’origines diverses.
    Prenons Bruxelles. Quelles que soient les raisons historiques, politiques ou économiques de ce fait ; la ségrégation socio-spatiale est aujourd’hui une réalité. Les primo-arrivants et les personnes issues de l’immigration vivent dans les mêmes quartiers, qui rassemblent également le taux le plus élevé de personnes vivant en-dessous du seuil de pauvreté. Sans distinction particulière d’origine, les personnes aux revenus plus élevés s’installent dans les quartiers en périphérie de la ville ; c’est là également que se trouvent les maisons les plus grandes, les écoles les plus prisées. Diversité oui, mixité, non. Ces mondes coexistent sans jamais se toucher, ou presque. Une étude sur la mobilité des jeunes à Bruxelles (2008) a révélé que si les jeunes de communes réputées plus aisées telles que Woluwé fonctionnent en réseau selon leurs activités et se déplacent allègrement sur une grande partie de la capitale, les jeunes d’Anderlecht par contre fonctionnent en territoire, et ont plutôt tendance à se limiter aux rues de leur quartier avec d’éventuelles incursions au centre-ville.
    Parce que ces jeunes et les autres vivent dans des univers qui ne se touchent jamais. Parce qu’ils n’ont jamais l’occasion de se rencontrer au-delà du papier glacé et de l’écran de télévision, froid lui aussi, sans vie. Ou à travers le voile de la méfiance réciproque lorsque par hasard ils côtoient le même trottoir.
    Parce que ce feu qui les anime l’un et l’autre est identique, parce qu’il est la Vie, l’essence même de notre condition ; parce qu’il est l’Humanité.
    Je souhaite créer un espace de rencontre. Un laboratoire d’expérimentation de tous les possibles, de découverte de leur potentiel, de révélation de leur humanité commune.
    Je crois en la bonté fondamentale de tout être humain, en son potentiel créateur infini. Je crois en la quête de sens effrénée de chaque être humain, la quête vers soi et vers l’autre. Je crois que les deux sont indissociables, qu’une transformation de soi passe par un changement de regard sur l’autre, par la rencontre authentique; celle qui transite par les tripes.
    Je pense que nous avons une responsabilité envers ces jeunes, celle d’offrir ces espaces, de favoriser ces rencontres, de créer ces réflexions. Et que nous avons la responsabilité, en tant que société, d’apprendre d’eux ; de leur témoignage de vie, de leurs rêves déchus et de leurs potentiels flétris par les opportunités insatisfaisantes que nous leurs proposons.
    Mais aussi, mais surtout, la responsabilité de leur rendre leur capacité à rêver un monde meilleur, couplée à la conscience de leur pouvoir d’action pour le mettre en œuvre. Parce que si nous n’agissons pas, le cynisme et le fatalisme ambiant finiront par éteindre toute nouvelle flamme de rêve naissant dans le cœur des femmes et des hommes. Parce que notre navire terrien tangue sur la mer déchaînée de notre folie collective et qu’il finira par sombrer si nous ne nous réveillons pas. Parce que nous avons besoin des jeunes pour réinventer un véritable vivre-ensemble. Parce que ce n’est qu’ensemble que nous pourrons décider de comment bâtir une maison qui soit le foyer de tous.
    Pour tout ça et pour le reste, je m’engage à créer avec une petite équipe d’amis ré-love-utionnaires des « Ateliers de la Lettre à l’Humanité » pour les jeunes, un voyage vers soi en passant par la rencontre de l’autre.
    Cher Univers, je te prie de bien vouloir nous prêter à tous un peu de ton souffle pour continuer à alimenter les braises de notre humanité commune.
    Merci,
    Célicia.